L’Epopée Cathare - par Olivier de Scorbiac

N’étant ni historien ni orateur, c’est sans prétention que je me propose d’évoquer ce moment de l’histoire enfoui dans la mémoire occitane qui semble tout entier contenu dans une seule expression: l’Épopée Cathare.
Autour de ce terme se trouvent réunis tous les ingrédients propre à susciter émotion et intérêt pour nous gens du XXI ème siècle: mystère, souffrance, quête de paix et de bonheur, terrestre ou céleste.
Après quinze années d’une lecture passionnée de cette époque fascinante, je peux vous dire que le mystère demeure et que j’ai l’âme toujours en tension face à tant d’amour et de violence, tant de force de caractère, tant de passion et de désintéressement.

Nous devons pour tenter de cerner le sujet qui nous intéresse développer les trois points suivants:

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L'Occitanie

Le terme “Occitanie” a été inventé par les félibres (1) au XIXème siècle pour définir géographiquement les régions où l’on parlait la langue d’oc. Pour aller vite on peut circonscrire au tiers sud de la France cette unité linguistique. Au moyen âge, en pleine période féodale il n’est pas question d’unité politique. Chaque seigneur est vassal d’un plus grand que lui et suzerain d’un plus petit. Chacun, ici plus qu’ailleurs, faisant fi de toute loyauté, cherche son propre intérêt en rendant hommage au plus offrant ou au plus puissant.

Le grand seigneur des lieux est le comte de Toulouse. Lui même est vassal du roi de France. Mais quand le pape Urbain II, en 1096 vient à Clermont Ferrand prêcher la première croisade et qu’il cherche des hommes pour la conduire en Terre Sainte, c’est vers Raymond IV, comte de Toulouse qu’il se tourne et non vers le roi de France.

Quand Raimond IV, “ce grand oublié de l’histoire”, devient chef des armées de la première croisade, il a déjà rassemblé autour de Toulouse une immense et riche province. des Pyrénées au Rhône, ses descendants en défendront les frontières. Avec notre recul on pourrait dire qu’il est le père de l’Occitanie (pardon pour cet anachronisme). Cet homme courageux n’hésite pas à faire la guerre quand c’est nécessaire mais il préfère la diplomatie aux batailles. Il est pragmatique, un peu retors et plutôt débonnaire. Ses descendants auront peu ou prou le même caractère. Son fils Alphonse Jourdain lui succédera comme comte de Toulouse alors que lui-même finira ses jours en terre sainte où il aura pris le titre de comte de Tripoli. Alphonse Jourdain aura souvent maille à partir avec ses turbulents vassaux mais parviendra tout de même, bien que n’ayant pas la poigne de son père, à maintenir son comté. (2)

Son fils, Raimond V, sera comte, à son tour, à partir de 1148, durant plus de quarante ans. C’est au cour de cette deuxième moitié du XIIème siècle que le catharisme s’établira profondément et durablement d’Agen à Carcassonne, des contreforts du massif central aux Pyrénées. Contrairement à son fils le futur Raimond VI que Dominique Baudis qualifiera de cathare, Raimond V n’a pas grande sympathie pour ces nouveaux croyants. Il s’est toujours positionné comme un bon catholique et écrit à l’abbé de Citeau: “Les églises sont laissées en ruine, les sacrements refusés ou boudés... et, chose que j’ai déclarée sacrilège, on établi deux principes divins”. C’est aussi durant cette fin du XIIème siècle que s’épanouissent les troubadours en Languedoc, véritables inventeurs de la poésie française qui chantent l’amour des femmes tour à tour platonique, tourmenté, passionné, ou qui dans leurs “sirventes” s’indignent de la perte des valeurs morales et religieuse.

Raimond VI donc succédera à son père en 1194. A cette date l’hérésie est partout, à la ferme comme au castra, au coeur des cités et même dans l’église. Quelques parfaits sillonnent les routes deux par deux et répandent une doctrine à laquelle le peuple n’accorderait pas grand intérêt si ces porteurs de bonne nouvelle ne venaient les aider dans leurs travaux saisonniers ou leur prodiguer quelques soins médicaux. Et puis, ces nouveaux apôtres leur demandent bien le gîte et le couvert mais jamais d’argent.

Raimond VI, pas belliqueux pour deux sous, tend une oreille amusée et un peu lascive aux conteurs et aux théologiens qui viennent en sa cour. Il trouve ces “bonshommes” (3) plutôt sympathiques. Il ne voit pas l’utilité de les pourchasser eux qui contribuent plutôt à calmer les esprits.

Pour Rome c’en est trop, le moment est venu d’intervenir. Il faut éradiquer l’hérésie par tous les moyens. Au mois de juillet 1209 une armée longe la vallée du Rhône en direction du sud. C’est le début de la croisade contre les albigeois. Elle se prolongera durant plusieurs décennies et laissera le pays exsangue. Raimond VI sera excommunié (4) à plusieurs reprises et invariablement protestera de sa bonne foi, promettra de livrer les hérétiques pour se réconcilier avec l’église, puis tel une anguille, de faux-fuyants en atermoiements, reprenant de la main gauche ce qu’il a cédé de la main droite, il s’efforcera de garder jalousement son indépendance. Jean Luc Déjean le qualifie d’antihéros et de renard. Dominique Baudis en fait un martyre qui a tout sacrifié pour ses sujets. Pour Zoé Oldenbourg, il est une victime broyée par les machinations de l’église et du pouvoir. André Castelot et Alain Decaux le présenteront comme un sage laissant sa fierté au placard, toujours prêt à chercher une issue pacifique aux conflits auxquels il est sans arrêt confronté. Une chose est sûre: il est terriblement sympathique.

Raimond VII son fils sera le dernier de cette grande lignée. Il tentera tout pour récupérer son comté mais n’aura pas de chance dans ses entreprises. Le traité de Meaux l’obligera à marier sa fille unique, Jeanne, à Alphonse de Poitiers, frère du roi Louis IX. Le grand comté de Toulouse sera rattaché à la couronne de France.

Durant ces deux siècles cette terre occitane aura été le berceau d’une civilisation brillante. Ses villes sont dirigées par des consulats, sorte de conseils municipaux, quasi indépendants de leur seigneur. Le commerce est florissant grâce aux ports méditerranéens qui envoient leurs bateaux vers les pays du Levant. Les marchands vont de villes en villes acheter et vendre sur des marchés nouvellement autorisés. Les juifs ne sont pas inquiétés, Ils sont libres d’entreprendre et d’accéder aux charges. La condition des femmes change depuis que les troubadours chantent l’amour courtois. Et évidement le catharisme se développe sans entrave dans ce climat favorable. Bien sûre il ne faut rien exagérer, nous sommes au moyen âge et l’épée sort vite de son fourreau mais contrairement aux clichés plaqués dans nos esprits par les manuels scolaires, les seigneurs du midi sont plutôt bienveillants à l’égard de leurs sujets.

On peut se demander pourquoi cette région de l’actuelle France méridionale a connu un tel climat d’ouverture, on pourrait presque dire de tolérance (même si le mot est fort pour cette période de l’histoire). A cette question on ne peut qu’apporter des éléments de réponse :

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L’origine et l’épanouissement du catharisme en Languedoc.

Déjà avant la première croisade en route vers la Terre Sainte en 1098, de nombreux pèlerins se rendaient à Jérusalem, cheminant à travers les Alpes, les Balkans, l’Asie mineure. Ils ramenaient dans leurs “bagages” bien des souvenirs de leur dangereux mais intéressant voyage. Traversant la Bulgarie, ils avaient rencontré des communautés de croyants dont la théologie avait assez peu de rapport avec celle que leur clerc leur avait enseigné. Il s’agissait d’églises à tendance manichéenne qui s’étaient développées dans ces régions sous l’influence d’un prêtre nommé Bogomile.

Le Manichéisme était apparu au troisième siècle sous l’impulsion d’un certain Manès (Mani) d’origine Persane qui s’était probablement converti au christianisme et qui avait fait une synthèse entre les doctrines de Jésus Christ, de Zoroastre, et de Bouddha . De Zoroastre, il avait retenu l’idée d’un monde dualiste créé par deux divinités, l’une bonne et l’autre mauvaise. A Bouddha il avait emprunté la théorie de la réincarnation. Et du Christianisme, il avait gardé la dimension communautaire et fraternelle. Il est impossible d’établir une filiation direct entre manichéisme et catharisme, mais pour le moins il y a une forte réminiscence du premier sur le second.

Comme ces communautés étaient assez soucieuses de communiquer leur foi, il est bien probable que nombre de pèlerins, de marchands, furent enseignés, voire accueillis par elles durant leur lent cheminement dans ces contrés lointaines. Il est aussi probable que des prosélytes soient partis en mission vers cet occident aux nombreuses villes raconté par les voyageurs.

Toujours est-il qu’au cours du XIème siècle, nous voyons apparaître des petits groupes d’hérétiques un peu partout en Europe du nord (Allemagne, France, Angleterre). Presque aussitôt des bûchers s’allument. Les nouvelles doctrines partent en fumée... avec leurs professant. Le sort de ces nouveaux croyants est moins radical dans le sud de la France. En 1056, un concile se réunit à Toulouse qui condamnent les hérétiques à l’excommunication, mais leur donne la possibilité de s’amender. Au cours du XIIème siècle les cathares s’installent dans ces régions plutôt hospitalières et peu à peu se rendent sympathiques aux yeux de la population qui du manant au seigneur détestent le clergé catholique. Ici plus qu’ailleurs, l’église vit dans le faste, prélève la dîme sur chacun et pratique la simonie (5) et la concussion (6) pour augmenter son trésor.

En 1167, l’évêque Nicétas, un “pope” bogomile de Constantinople, vient tenir un concile à Saint Félix de Caraman à l’issu duquel quatre évêchés sont créés: Agen, Toulouse, Albi, Carcassonne. L’église cathare est officieusement établie en terre catholique, pour Rome c’est in tolérable. Déjà en 1145 Saint Bernard mandaté par le pape est venu prêcher contre l’hérésie à Toulouse, Albi, Verfeil, sans résultat. Des colloques contradictoires ou “disputes” ont lieux à plusieurs reprises. Mais les parfaits Cathares continuent à parcourir villes et campagnes et sont appréciés du plus grand nombre. Quand ils n’étaient pas en mission les parfaits vivaient dans des maisons communautaires. Ils ne demandaient jamais d’argent mais en possédaient beaucoup grâce aux dons des sympathisants ou des consolés (légende du trésor de Montségur).

Les femmes pouvaient être parfaites au même titre que les hommes. Parfaits et parfaites étaient astreints à trois carêmes par ans. Toute l’année ils étaient au pain et à l’eau les lundis mercredis et vendredis. Ils devaient observer une continence totale, pas seulement par ascèse mais parce que l’acte de procréation était diabolique puisque offrant à Satan de nouvelles tuniques de peau pour y enfermer des âmes. On comprend que peu de croyants avaient la force de caractère et une motivation suffisante pour s’engager dans cette voie de renoncement total. Aussi, ils attendaient les derniers instants de leur vie pour se faire consoler et ainsi en finir avec le cycle des réincarnations. (7) (8)

Paradoxalement les cathares ne condamnaient pas l’adultère, puisqu’il était aussi coupable de forniquer dans le mariage que hors mariage.

La situation des croyants cathares était finalement plus enviable que celle des catholiques puisque dans le pire des cas, leur délivrance serait retardée par une nouvelle réincarnation. Il était plus apaisant d’espérer recevoir le consolament avant son dernier souffle, que de passer sa vie dans la crainte oppressante de l’enfer. Nombre de seigneurs recevaient des parfaits en leur château. Plusieurs châtelaines, telles Guiraude de Lavaur ou Esclarmonde de Foix, devinrent parfaites.

Lorsque des croyants rencontraient un parfait ils faisaient trois génuflexions accompagnées chacune d’un bénédicité, c’est le meliorament.

L’église catholique était une entreprise diabolique aussi bien par sa structure que par son enseignement.

En 1206 deux religieux arrivent en Languedoc. Il s’agit de Diego de Acebes, évêque d’Osma en Espagne, accompagné du sous prieur de son chapitre, Dominique de Guzman. Ce dernier est indigné par l’omniprésence de l’hérésie mais aussi par le faste dans lequel vit le clergé catholique et les envoyés de Rome. “Voyez, disait-on, les ministres à cheval d’un Dieu qui n’allait qu’à pied, les missionnaires riches d’un Dieu pauvre, les envoyés comblés d’honneurs d’un Dieu humble et méprisé.”

Dominique se met à sillonner les routes à la manière des parfaits cathares. Pendant plus de deux ans Il prêche dans les églises, sur les places publiques, organise des débats contradictoires avec les hérétiques. Il est, la plupart du temps raillé par la population et n’obtient que peu de résultats. (Prouilhe). Il perd patience et annonce des temps terribles pour ce peuple rebel. Peut-être sait-il que le temps est venu où Rome va utiliser les grands moyens pour lui faire entendre raison.

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La croisade contre les Albigeois

Depuis 1198 c’est le pape Innocent III qui est assis sur le trône pontificale. C’est un jeune pape élu à trente sept ans, juriste de formation. Il est conscient de la responsabilité qui pèse sur ses épaules. Il veut rester dans la ligne qui est celle des pontifes depuis la réforme grégorienne et qui consiste en un pouvoir théocratique qui entend bien dicter aux souverains la conduite qu’ils doivent tenir. Innocent III est un pape qui entend traiter tous les rois catholique comme ses vassaux. Parmi les affaires qu’il veut régler en priorité l’hérésie cathare se trouve sur le dossier de la pile. Un évènement déterminant se produit le 14 janvier 1208 quand son légat Pierre de Castelnau est assassiné près de Saint-Gilles par... peut-être un officier de Raimond VI (.).

Le pape est décidé à lever une armée contre les albigeois, mais n’en possédant pas, il doit faire appel au bras séculier. Philippe Auguste fait la sourde oreille. Alors des légats et des missionnaires sont envoyés partout dans les églises de France, promettant des remises de fautes à tous ceux qui prendraient part à l’expédition menée contre les seigneurs du sud et leurs protégés, les hérétiques. C’est bel et bien une croisade qui s’organise, à l’image de celles prêchées par Urbain II ou Bernard de Clairvaux vers la Terre Sainte. Nombreux sont ceux, paysans, bourgeois, chevaliers, qui se rangent sous les bannières de leur seigneur ou de leur évêque, en entendant ces sermons musclés: “Que celui qui ne se croisera pas ne boive plus jamais de vin, qu’il ne mange plus sur nappe soir et matin, qu’il ne s’habille plus de chanvre ou de lin et qu’à sa mort on l’enterre comme un chien.”

Nous voici donc dans la vallée du Rhône avec cette armée à la tête de laquelle se trouve le duc de Bourgogne, le comte de Nevers et plus en arrière, des seigneurs de moindre importance, Guy de Lévis ou Simon de Montfort.

L’heure est grave pour Raimond VI. Alors le vieux renard, l’antihéros, va faire une chose étonnante. Il rejoint l’armée des croisés à Saint Gilles et dit qu’il veut prendre la croix. Il sait que les biens et possessions des croisés sont sous la protection de l’église pendant la croisade. Personne n’est dupe mais juste avant cette déclaration, Raimond de Saint Gilles s’est humilié. Cela veut dire qu’il s’est soumis à la dégradante cérémonie de “l’amende honorable”, de telle sorte que l’excommunication prononcée contre lui par Innocent III est levée. Il espère ainsi que sa présence au milieu des croisés limite au moins les dégâts, il sera cruellement déçu.

Au mois de juillet 1209, l’armée des croisés arrive sous les remparts de Béziers. La ville, perchée sur une hauteur est bien fortifiée, les défenseurs sont nombreux, les provisions abondantes. Raimond Roger Trencavel est parti à Carcassonne soutenir cette citée moins bien défendue. Mais le 22 juillet, à la suite d’une manoeuvre stupide des assiégés, la ville est prise et tous ses habitants massacrés.

Au mois d’août c’est au tour de Carcassonne d’être assiégé. La ville est moins bien fortifiée que la capitale du Biterrois. Pierre d’Aragon vient tenter une médiation entre Arnaud Amalric, abbé de Citeau, légat du pape et chef spirituel de la croisade, et Raimond Roger Trencavel. Celui-ci refuse de se rendre... Mais les réserves d’eau s’épuisent, les citernes sont vides. La population, grossie de milliers de réfugiés, manque de tout. Une épidémie de typhus se propage. Raimond Roger n’a d’autres solutions que d’accepter cette fois la reddition qu’on lui propose. Il quitte les remparts et se dirige vers le camp du Légat qui a promis une négociation. Il est aussitôt gardé en otage, enfermé dans une cellule de son propre château le 15 Août, où il mourra deux mois plus tard...

Très vite les grands seigneurs de la croisade décident de rentrer chez eux. Ils avaient “signés” pour quarante jours, les voilà écoulés et leurs indulgences gagnées. De plus ce pays aride leur semble bien pauvre à eux qui sont habitués aux grasses prairies des plaines du nord. Et puis, ils n’ont pas vraiment aimé le massacre de Béziers. Qui va prendre alors le commandement militaire de la croisade? Simon de Montfort s’avance. Il est batailleur, catholique convaincu, il se trouve à l’étroit dans son petit fief de Montfort l’Amaury. Il a la possibilité de s’emparer des terres conquises, puisque elles sont exposées en proie aux pourfendeurs d’hérésie. Le voici donc seigneur de Montfort, comte de Leicester, vicomte de Béziers et de Carcassonne.

Il serait long de continuer en détail la narration du déroulement de la croisade. Quelques mots suffisent: sièges, conquêtes, bûchers. Simon de Montfort enrage. Dès qu’il a tourné les talons les vaincus se ressaisissent et souvent récupèrent leurs fiefs. Il veut frapper un grand coup. Le 3 mai 1211 il s’empare de Lavaur après de durs combats. 80 chevaliers sont pendus, 400 cathares brûlés et dame Guiraude (de Laurac) jetée vivante dans un puits. A Bram, il prend 100 otages auxquels il crève les yeux, coupe le nez et la lèvre supérieur, puis les envoi sous la conduite d’un borgne dans les villages voisins afin qu’ils sachent ce qui les attend s’ils ne se soumettent pas.

Que devient Raimond VI? Dès septembre 1209 il a quitté la croisade et parcoure l’Europe pour se trouver des alliances. Il est cousin du roi de France, beau frère du roi d’Aragon, vassal de l’empereur Germanique Otton IV. A nouveau excommunié, il ne peut plus revendiquer sa bonne foi pour sauver son comté de Toulouse. Toulouse sera prise mais non gardée tant la population déteste ces envahisseurs prétentieux et cruels. La popularité de Raimond est intacte voire renforcée dans les murs de la ville rose.

le 12 septembre 1213 la bataille de Muret est un désastre pour les armées du midi.

Le 7 mars 1216, Simon de Montfort convoque les capitouls dans “sa” ville de Toulouse et prête serment. Son texte commence ainsi: “Je, Simon de Montfort, par la grâce de Dieu, duc de Narbonne, comte de Toulouse, de Montfort et de Leicester...” Une telle proclamation est intolérable et crée l’union sacrée dans toute l’Occitanie. Que le vrai Comte se montre et tout le monde sera derrière lui.

Le vieux renard ne s’avoue toujours pas vaincu. Si lui, est dépossédé de tout, son jeune fils n’est pas convaincu d’hérésie et possède encore quelques fiefs, dont le marquisat de Provence. Père et fils débarquent à Marseille au printemps 1216 dans la liesse populaire, ils marchent sur Avignon qui les accueille en libérateur. Le jeune Raimond futur Raimond VII arrive à Beaucaire. La citadelle est tenue par les croisés. Simon de Montfort vient mettre le siège devant cette ville. Raimond le jeune, pris en tenaille entre assiégeants et assiégés, n’a que 19 ans mais il manœuvre si bien que toute les attaques sont repoussées, la citadelle se rend. Simon apprend que Raimond VI est parti vers l’ouest. Fou de rage il lève le camp et fonce sur Toulouse. Pas de Raimond. Il se comporte en tyran, prend des otages, portant à son comble l’exaspération des toulousains. Raimond le jeune fait merveille en Provence. N’a-t-il pas écrit en tête d’une charte: “Je, fils de Raimond, par la grâce de Dieu, duc de Narbonne, comte de Toulouse et marquis de Provence”. Simon repart vers Saint gilles pour tenter de venger Beaucaire. Alors le vieux renard sort des Pyrénées avec une armée levée sur les terres de Foix et de Comminge, augmentée de maints chevaliers et seigneurs faydits (9) impatients d’en découdre avec le lion du nord. Entrée triomphale à Toulouse. On relève les murailles, on dresse des barricades. Alix de Montmorency (10) retranchée dans le château Narbonnais, envoie un message de détresse à son époux. Montfort rentre bride abattue pour trouver une ville fermée. Nouveau siège. Raimond le jeune vient avec son armée rejoindre son père. Pendant 9 mois, tous les coups de mains échoueront et le 25 juin 1218, Simon de Montfort reçoit en pleine tête une pierre lancée par une machine de guerre depuis les remparts de Toulouse.

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On voudrait que les choses s’arrêtent là mais le royaume de France s’est affermi, le Grand Philippe Auguste a triomphé à Bouvines contre les Germains, il tient l’Anglais en échec et maintenant pointe son doigt vers le sud pour montrer la voie à suivre à son fils Louis VIII. Ce dernier continuera la croisade puis sera relayé dans cette tâche par Blanche de Castille.

En 1229 le traité de Meaux sonnera le glas de l’indépendance de ce grand et beau comté toulousain qui sera rattaché à la couronne de France quand Alphonse et Jeanne de Poitiers mourront sans enfants en 1271.

 

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(1) Félibres: Poètes ou prosateurs de langue d’oc regroupés en une école littéraire fondée en 1854 par un grouppe d’écrivains. Frédéric Mistral est le plus connu d’entre eux.

(2) Le fils de Raimond IV et d’Elvire de Castille, Alphonse Jourdain, tient son nom de ses origines castillanes et de son baptême dans le Jourdain.

(3) Bonshommes: C’est ainsi qu’on appelait souvent les “parfaits” cathares.

(4) L’excommunication était une arme redoutable entre les mains de l’église. Elle faisait de l’homme qui en était l’objet, un mort civil et déliait ses proches et ses sujets de toute obligation envers lui. L’interdit paralysait la vie d’un pays, en excluant son peuple de toute participation aux sacrements et aux pratiques religieuses, qui étaient pour les chrétiens du moyen âge, aussi nécessaire que le pain quotidien.

(5) Simonie: Trafic des choses saintes, vente des biens spirituels. Du nom de Simon le magicien. Voir actes des apôtres

(6) Concussion: Malversation commise dans l’exercice d’une fonction publique, particulièrement dans le maniment des deniers publics.

(7) Il arrivait que des “consolés” mourants guérissent de leur mal. Ils n’avaient alors que deux solutions: devenir parfait durant le reste de leur vie, ou pratiquer l’endura, c’est à dire qu’ils ne s’alimentaient plus jusqu’à ce que mort s’en suive.

(8) En principe le récipiendaire du consolament devait être conscient et avoir l’usage de la parole pour répondre aux questions que lui posait le parfait. Mais il pouvait faire la convenensa, c’est à dire demander par avance à recevoir le consolament même s’il était inconscient. Cela se pratiquait surtout au moment des sièges de villes dont évidement l’issu était incertaine.

(9) Faydits: Seigneurs dépossédés de leurs terres par la croisade.

Olivier de Scorbiac, le 28 novembre 2008